Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare :

Titre : Le songe d’une nuit d’été

Titre original : A Midsummer Night’s Dream

Auteur : Shakespeare

Traduit de l’anglais, par Jean-Michel Depras

Edition Folio Théâtre, 2003

Résumé :

 » À Athènes, la douce Hermia s’enfuit dans la forêt pour fuir Égée, son père, qui veut la marier à Démétrius, lui-même convoité par Hélèna. Hermia, elle, aime Lysandre d’un amour partagé. Lysandre, Démétrius et Hélèna la poursuivent et la retrouvent, la nuit, dans la forêt. C’est alors qu’interviennent les esprits de la forêt et souverains des elfes, Oberon et Titania, qui viennent de se quereller. Pour se venger de son épouse, Oberon commande à son fidèle Puck de verser sur ses yeux un filtre qui doit la rendre amoureuse du premier être qu’elle rencontrera à son réveil : le sort tombe sur Bottom, tisserand de son état et comédien amateur qui, venu répéter la tragédie Pyrame et Thisbé avec ses compagnons, se retrouve, par la malice de Puck, affublé d’une tête d’âne. Titania lui fait pourtant fête, tandis que le quatuor des jeunes amoureux est, lui aussi, victime de Puck : en effet, son maître Oberon lui a commandé de réconcilier amantes et amants à l’aide du même filtre, mais le lutin s’est trompé, semant du même coup la plus folle des confusions… Mais à la fin, tout rentre dans l’ordre et, tandis que Titania retrouve la maîtrise d’elle-même et Bottom sa tête d’homme, Hermia gagne l’amour de Lysandre et Hélèna celui de Démétrius. Tout est prêt pour leurs mariages, en l’honneur desquels Bottom et ses comparses présentent, de manière grotesque, Pyrame et Thisbé.

Quatre histoires d’amour vont s’entrecroiser au coeur d’une folle nuit d’été. Aucun protagoniste n’en sortira indemne, tant les rapports hommes et femmes sont ici dominés par la sensualité, l’orgueil et le pouvoir.

Mon avis :

J’ai continuée ma plongée dans Shakespeare avec ce titre, pour mon cours d’histoire du théâtre. Bien que j’ai appréciée les thèmes développés, je suis moins réceptive sur l’humour dont l’auteur fait preuve ici.

Nous pouvons tout d’abord développer le thème du  »labyrinthe » : nous avons dans cette pièce deux lieux aux fonctions contradictoires. Il y a le Palais, qui est un lieux solaire, où règne la loi du père, qui est opposé à la forêt, où l’on perds son chemin mais également son identité, les sentiments que l’on avaient pour une personne, et enfin où la morale n’existe plus, puisque toutes lois est rendu caduc, c’est un lieu du déchaînement sexuel. Le labyrinthe est un motif typique de la littérature médiévale, qui est tantôt un piège d’amour, tantôt un gouffre démoniaque, depuis  »Les métamorphoses » d’Ovide.

Labyrinthe pourquoi ? Puisque les fameux jardins à l’Anglaise de l’époque sont de véritables labyrinthes, et que la littérature a très souvent pris ce lieu pour rendre plus symbolique le désordre amoureux. Mais également parce que l’auteur fait ici de nombreuses référence à ses autres œuvres, d’où se dédale architecturale.

Référence à  »Roméo et Juliette » : Roméo tombe amoureux de Juliette au premier regard. Dans  »Le Songe », la vision est parodique avec le personnage de Lisandre puisque c’est en changeant d’espace ( du Palais où il aimait Hermia à la forêt où il aime Héléna ) qu’il change d’objet de désir suite au philtre d’amour, qui, dès que l’on pose les yeux sur quelqu’un, on en tombe systématiquement amoureux. La vision ainsi romantique dans  »Roméo et Juliette » est ici déformée.

Référence également au titre même de  »Roméo et Juliette » : le titre original est  »La plus lamentable ( au sens tragique ) tragédie est Roméo et Juliette » et la pièce que certains personnages préparent à l’intérieur même du  »Songe », est  »La plus lamentable comédie est Pyrame et Thisbé ». Cette dernière est totalement l’anamorphose ( l’inverse ) parodique de Roméo et Juliette.

Donc le labyrinthe de la forêt n’est pas seulement considéré comme un espace dans lequel le personnage se perd, mais comme un lieu dans lequel le lecteur se perds aussi, avec les multiples références aux œuvres de l’auteur, mais également à la littérature et à la philosophie de l’époque.

Shakespeare reprends ici le célèbre sonnet 176 de Pétrarque : où il est question d’un jeune homme, se promenant en forêt et assimilant toutes les choses qu’il voit aux nombreuses qualités physiques de sa maîtresse. C’est l’éloge de l’amour au premier regard. Ici, dans  »Le songe », Shakespeare reprends le lieux, mais le motif est ridiculisé par le fait que l’amour au premier regard, soit délivré par un philtre d’amour, et non par la volonté d’une puissance supérieur de l’Amour.

L’auteur reprends également le drame  »Pyrame et Thisbée » inventé par Ovide.

Nous pouvons également citer les thèmes de l’art et de l’amour : En effet  »Le songe » regorge de références à la littérature comme dit précédemment, ce qui est un procédé Baroque par excellence. Mais aussi et surtout la présence du théâtre dans le théâtre. Comme Daniel Arasse (un spécialiste du Baroque) à dit :  » au cœur du Baroque c’est la relation de l’art à sa propre technique, la relation de l’art à lui-même qui devient l’objet d’une attention artistique particulière.  » Ici la pièce dans la pièce, met en scène la vérité des personnages, leurs vies telles qu’elles auraient du être si ils n’avaient pas été dans la forêt. C’est-à-dire une pure tragédie, qui se transforme en comédie. C’est le début de la théorisation du théâtre. Notamment par la tirade de Puck, qui explique que l’on peut voir le théâtre comme un rêve, mais que la première chose qu’il génère est la vérité. C’est une vision moderne, puisque c’est dans la représentation que l’on accède à la vérité. Et que le rêve, tout comme l’inconscient est un espace où l’on représente ce réel en le réordonnant, qui donne accès à la vérité de l’être.

L’amour y est représenté, mais un amour comme un désir de beauté, puisque comme le dit Lysandre, il aime Hermia car elle est belle. Mais le chassé-croisé amoureux dans les bois, fais subir à cette définition quelques transformations. Car la beauté change avec le lieu, et celle qui était envisagée comme belle, se retrouve laide. Ici, Shakespeare ce moque de l’amour Platonicien contenue dans  »Le phèdre » : l’amour comme un désir de beauté, qui nous rapproche des Dieux, et faits s’élever notre âme. C’est le point de départ du Songe, mais l’auteur retourne cette situation dans la forêt. C’est une posture idéologique qui brise la conception philosophique de l’Amour Platonicien. Mais il ne brise pas seulement le monde et les idées de Platon, il redéfinit l’être humain comme soumis à ses pulsions animales et instinctives, et se détourne du beau. Il montre l’instabilité et le constat éphémère du sentiment amoureux, et reconstruit un monde comme l’inverse du monde Platonicien, en plus instable, où l’on peut être amoureux d’Héléna un jour, et d’Hermia le lendemain. Et c’est en construisant un monde instable où beauté et laideur sont associées voir confondues, que Shakespeare détruit complètement les idées Platoniciennes.

En conclusion,  »Le Songe d’une nuit d’été » est un manifeste idéologique, dans lequel l’auteur s’en prends à toute la tradition Occidentale : sur laquelle s’appuie la poésie médiévale de Pétrarque, mais également Ovide et Platon, dans leurs conception respectueusement de la littérature et de la philosophie. Mais il ne se contente pas de les tourner en dérision, il leur oppose des anti-modèles.

Au Platonicisme, qui suppose des valeurs et une substensialisation des idées ( l’essence de l’Amour existe donc l’Amour stable existe ), Shakespeare propose un monde instable qui est constamment en métamorphose, il n’y a plus d’essence et les contraires se confondent. ( je suis morte de rire devant ma dernière phrase !!! Plus d’essence heum je sors ^^ )

J’ai appréciée ma découverte de Shakespeare à travers ces études de livres, et je continuerais assurément avec d’autres titres de l’auteur ( déjà conseillé par Annaglasgow =) ) !

Extrait :

 » […] L’amour ne voit pas avec les yeux, mais avec la pensée ;

Ainsi on peint aveugle Cupidon ailé.

La pensée de l’amour n’a aucun jugement :

Des ailes, et point d’yeux, figurent une hâte insouciante.

Voilà pourquoi, dit-on, l’amour est un enfant :

Parce que, dans son choix, il se leurre souvent.

Comme des garçons espiègles, dans leurs jeux, se déguisent,

Ainsi le jeune Amour se parjure partout.  » Acte I, scène I

8 réflexions sur “Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare :

  1. Toutes ces pièces de théâtre se trouvent chez mes parents et, je t’avoue que la question ne s’est pas posée de les emmener avec moi quand je suis partie du cocon : elles me rappelaient trop les lectures obligatoires et souvent fastidieuses de mes années collège/lycée. Mais, maintenant que je suis une grande fille (haha !), je me dis qu’il serait bien de les rapatrier chez moi… Surtout quand tu les décris si bien ! Il me tarde de pouvoir moi aussi plonger dans les oeuvres de Shakespeare 🙂

    • J’avoue que parfois ce n’est pas toujours simple de ce plonger dans un classique. Personnellement, j’ai toujours peur de ne pas tout comprendre, ou de travers. Mais parfois on a d’agréables surprises =) Merci beaucoup, ça fais plaisir de voir que notre travail est apprécié =) Je suis sure que tu les apprécierai !

  2. Je n’ai jamais lu cette oeuvre de Shakespeare, mais j’avais beaucoup apprécié Hamlet et j’ai déjà analysé en claase Much ado about nothing ou Beaucoup de bruit pour rien qui est une bonne comédie. C’est lefun de se plonger dans les classiques parfois 🙂

    • Hamlet est vraiment une pièce géniale, avec des thèmes lourds mais bien abordés. Je ne connais pas du tout Beaucoup de bruit pour rien, je vais aller me renseigner. Il est vrai que parfois on découvre des choses beaucoup plus fun que l’on ne l’aurait pensé =)

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